De l’éducation des femmes, Choderlos De Laclos

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Bonjour !

Un nouveau bouquin à partager avec vous. Ces temps-ci je lis beaucoup. En tout cas je fais au mieux pour lire régulièrement. Je trouve du temps, je m’organise, j’essaye d’être méthodique pour tirer profit et plaisir combinés au maximum de tous les bouquins que j’ai sous la main.

Avant de vous parler de cet ouvrage et de vous livrer mon ressenti, laissez-moi vous poser une question : certains parmi vous auraient déjà eu la chance de lire « Les liaisons dangereuses » du même auteur? Car dès le début de ma lecture, cette œuvre clairement de référence mais aussi taxée d’ouvrage licencieux, y est mentionnée. « De l’éducation des femmes » en serait une paradoxale continuité. Par conséquent, j’ai eu le désagréable sentiment d’avoir loupé quelque chose d’important, de commencer un plat de résistance sans être passé au préalable par l’entrée. Cela n’est pas bien grave me direz-vous, étant donné que je pourrai toujours me rattraper plus tard.

Venons-en donc à L’éducation des femmes !

Un tout petit recueil de 120 pages, mais ne vous laissez pas avoir par sa petite taille. Ce livre est un colosse.

Sa lecture est loin d’être relaxante. En tout cas, pour ma part, elle n’a pas été un moment de relaxation. Elle demande une certaine concentration, et je dois également admettre une chose : elle fait appel au sens critique à quasiment toutes les pages. Je me suis donc vue prendre plein de petites notes sur des points que je trouvais vraiment très intéressants, chose que je ne fais pas toujours selon les livres que j’ai en main.

En ce qui concerne la structure de l’ouvrage, elle se décline en trois parties : tout d’abord un extrait de discours prononcé le 1er mars 1783 (eh oui! il ne date pas d’hier) sur la question de l’éducation des femmes proposée par l’académie de Châlons-Sur-Marne, puis un essai sur les femmes et leur éducation et enfin pour terminer, une troisième partie consacrée à la lecture comme solution pour permettre aux femmes d’accéder à l’éducation.

Le discours prononcé le 1er mars 1783 pour répondre à la question suivante : Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? A cette interrogation, la réponse de l’auteur est claire : il n’en existe aucun! Tout simplement parce que la femme est selon lui assujettie aux hommes, aux lois, à la société, et par conséquent esclave du système. Comment ce même système pourrait-il donc lui offre une éducation ? Il parle de paradoxe. Et quand on y réfléchit bien, je trouve pour ma part qu’il a raison. Quand par exemple, on ramène une telle analyse à notre société actuelle, on remarque combien il est encore difficile pour les femmes de s’affranchir du patriarcat. Pendant que des combats sont menés à travers le monde entier pour apporter aux femmes toujours plus d’indépendance, de liberté, de moyens pour qu’elles puissent se prendre en main, on constate qu’il persiste bon nombre de déséquilibres dans la société : les différences de salaires entre hommes et femmes pour un même poste, l’impossibilité dans certains endroits du monde pour la femme de disposer de son propre corps (droit à la contraception ou à l’avortement), les violences et j’en passe, la liste est longue. On encourage les femmes à recevoir une éducation, mais en face, la société est réticente à revoir son modèle de fonctionnement pour permettre à la femme de jouir pleinement de cette éducation qu’elle tient à lui offrir. Pour l’auteur, l’éducation développe les facultés certes, mais l’esclavage les étouffe. Il a raison De Laclos !

Puis vient une dissertation de douze chapitres sur la description, l’analyse et les louanges de la femme dite « naturelle », en opposition à la femme « sociale » et « civilisée ». Dans cette deuxième partie de l’ouvrage, l’auteur explique l’impact négatif qu’a eu la société sur les Hommes en général, sur la femme en particulier. Il y explique que d’origine, la nature est bien faite et que les hommes et les femmes viennent avec tout ce dont ils ont besoin pour bien vivre.  Cependant, la société vient modifier le cours des choses en créant des besoins et des nécessités, qui aboutissent sur des complexes, là où auparavant tout était naturellement équilibré. C’est dans ce sens qu’il y écrit : « La nature ne crée que des êtres libres ; la société ne fait que des tyrans et des esclaves. » Ce qui m’a toutefois dérangée dans cette partie, c’est la manière dont la femme peut y être décryptée à l’instar d’un simple animal ou d’une bête de foire. La femme, à certains passages, est comparée à des fruits de campagne (naturelle) ou de serres chaudes (sociale). J’ai trouvé cela personnellement assez gênant. Était-ce dans les mœurs des années 1780 de tenir de tels discours? Par la suite, toujours dans cette deuxième partie, l’auteur met en avant la position de victime des femmes, opprimées et esclaves des hommes et de la société, expliquant qu’elles auraient cédé et non adhéré à ce contrat social, se lançant aller à leur confiance accordée aux hommes quand ceux-ci leur faisaient croire à un travail d’équipe et un soutien mutuel. Il faut à présent sortir de cet avilissement et regagner la liberté en misant sur l’éducation. L’auteur donne par ailleurs certains conseils (que j’ai trouvés fort intéressants!) pour être « belle », tout en rappelant que la beauté est quelque chose de très relatif et subjectif, comme par exemple ne pas s’exposer au soleil au risque de s’abîmer la peau, ne pas se nourrir de façon malsaine, ne pas abuser d’alcool et de spiritueux, bien dormir, etc. Bref, des conseils pour prendre soin de soi! Ces suggestions et consignes pourraient très bien s’appliquer à toutes les femmes du monde actuel qui le désirent, selon leurs besoins respectifs.

Enfin, dans la troisième et dernière partie, De Laclos présente toute une méthodologie destinée aux femmes (mais aussi aux hommes par extension) pour accéder à l’éducation par la lecture. Il y détaille l’importance d’apprendre à lire les bons ouvrages et ainsi se cultiver efficacement. L’auteur y recommande entre autres les philosophes grecs, romains ou encore la littérature juive. Appliquée à notre société actuelle, cette partie est tout à fait intéressante et riche en enseignements et mérite d’être étudiée de façon plus approfondie en tenant compte des réalités de tout un chacun. Etant moi-même une grande amatrice de livres, je ne peux qu’appuyer les dires de l’auteur quand par exemple il avance qu’il faut lire de tout et ne jamais cesser de s’instruire, qu’il faut savoir s’intéresser à tout genre de livres, des romans aux livres de poésie en passant par le théâtre, etc. A méditer !

Pour finir cette revue, je peux clairement affirmer que nous étions bien loin du roman de société dont je suis si friande. En l’achetant, je savais qu’il serait intéressant mais aussi créateur de réflexions. J’ai eu le sentiment d’étudier un texte, de l’analyser de façon continue et cela a été très plaisant. Au début je me suis demandé si un homme pouvait ainsi parler au nom des femmes, était-il le mieux à même de dire ce qui était bon pour les femmes ? Et finalement, oui, je pense que oui, et je suis même d’avis pour dire que plus d’hommes devraient aujourd’hui sensibiliser et prendre cette problématique comme la leur pour aider les femmes à s’affranchir, à gagner leur indépendance. Je n’invente en rien l’eau chaude : il n’y a pas que de femmes féministes, les hommes sont tout aussi concernés par le sujet sinon voire plus! L’éducation est primordiale pour les femmes. Ce n’est donc pas un sujet nouveau comme nous pouvons le constater, mais bien une priorité qui traverse les époques et pour laquelle continuent de se battre des millions de personnes au quotidien. Donnons la chance à nos filles, à nos sœurs, à nos nièces de s’instruire, apprenons leur la curiosité formatrice afin qu’elles soient armées pour affronter ce monde, même si comme le souligne l’auteur, le système ne profite toujours pas à toutes les femmes en dépit du fait qu’elles aient la connaissance. Il ne faut rien lâcher, il faut continuer, et surtout appeler à la sororité pour faire bouger les choses. Rester en alerte, continuellement s’instruire, se former, se battre. Je recommande ce petit bouquin à tous, particulièrement à ceux qui sont sensibles à la question féministe : je suis certaine qu’il peut amener à des discussions enrichissantes et variées autour des questions que soulève le féminisme à travers les années, de 1783 à nos jours.

A bientôt !