L’homme nu, de Marc Dugain et Christophe Labbé

Quelle idée fantastique que d’avoir écrit cet ouvrage! Je me suis régalée! Chaque chapitre vous apprendra quelque chose, vous invitera à la réflexion et à la critique. Il est difficile de lire ce bouquin sans être tenté de s’arrêter de temps en temps pour se poser la question suivante : « Ne vont-ils pas trop loin? », ou encore « que veulent-ils exactement dire par là? ». Bref, on ne s’ennuie pas et c’est vivifiant !

Avez-vous eu l’occasion de lire 1984 de George Orwell? Si oui, grand bien vous fasse, L’homme nu est similaire à une actualisation de 1984. Si non, il n’est jamais trop tard pour le lire, ou du moins pour essayer de le lire – étant donné qu’il est quelque peu complexe à appréhender. Les deux ouvrages sont étroitement liés ; certains passages de 1984 sont cités dans L’homme nu, pour venir appuyer des affirmations de notre époque numérique. George Orwell était-il un prophète? Vraisemblablement.

L’homme nu est un ouvrage qui met en lumière les dérives du numérique, la surexploitation des données personnelles des utilisateurs d’internet par les big data – les GAFA : Google, Apple, Facebook et Amazon – à des fins commerciales, ou même politiques. Jusqu’où ces grandes firmes ont-elles le droit d’aller, surtout lorsqu’elles le font au nom de la sécurité publique? Selon Marc Dugain et Christophe Labbé, aussi loin que leur permettent les accords que nous leur donnons à chaque fois que nous ouvrons une page web et cliquons sur le bouton ‘Accepter les conditions générales d’utilisation‘. « Qui appuie consent. » Autant dire que tant que nous serons sur internet, tout sera possible, la vie privée n’y existant pas. Notre identité, nos goûts en terme de musique, de lecture, de vêtements et même de sexe, peuvent être vendus à des sociétés X dans le but de répondre par exemple à nos demandes spécifiques, même si ces dernières ne sont pas expressément formulées : internet anticipe nos besoins et y répond sans même que nous ne lui demandions! it’s magic! 

Dans cet ouvrage, outre les informations dont disposent les big data à notre sujet – qui au passage pousse à s’interroger sur la taille de notre empreinte numérique – , se pose également le sujet de la place de l’intelligence artificielle. Notre monde va toujours plus vite, toujours plus loin, avec un objectif : faire toujours plus de profit. Des humanoïdes plus performants que les travailleurs d’aujourd’hui prendront bientôt notre place. Nous serons probablement, voire indéniablement relégués au second plan, d’après les études présentées par l’ouvrage. Quelle triste et obscure humanité en devenir! L’intuition, la sensibilité, qui font le propre de l’être humain pourront-elles empêcher de tels extrêmes?

L’homme nu est un livre extrêmement intéressant, dont je ne voudrais pas spoiler la totalité du contenu, et qui appelle à entretenir et à nourrir notre esprit critique. A certains passages, il peut frôler la paranoïa certes, mais que cet aspect ne vous empêche pas d’être curieux de son contenu. Vous apprendrez énormément de choses sur le monde du numérique, et il vous ouvrira certainement l’esprit sur des sujets similaires.

Extrait traitant des algorithmes :

… à force de ne discuter qu’avec des personnes qui nous ressemblent, le brassage d’idées tourne à vide, les esprits se ferment, les opinions se figent, Internet comme lieu de débats devient une illusion.

Xx,
Manouchka.

Frappe-toi le coeur, de Amélie Nothomb

 

Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie.
Alfred de Musset

Ce livre ne compte que 156 pages, avec des textes écrits en caractères de taille plutôt moyenne. Autrement dit, il se lit très rapidement, et assez facilement. Il est accessible à tous.

C’est l’histoire de Diane, mal aimée et jalousée par sa mère dès sa naissance. Que se passe-t-il dans le cœur d’une enfant en carence d’amour maternel? Comment grandit-elle? Dans quelles conditions se construit-elle? A quels piliers se raccroche-t-elle?

Ce récit est d’autant plus intéressant que le narrateur arrive à raconter le ressenti de Diane dès son petit âge. A deux ans déjà, elle exprime sa douleur, dit sa peine face à une mère qui ne la câline jamais elle, mais qui tolère son petite frère parce qu’il est sans doute un garçon, qui étouffe d’amour sa petite sœur, la dernière née de la famille.

Amélie Nothomb est une femme que j’admire énormément. Je la trouve cultivée, enrichissante, différente, unique. J’ai toujours pris grand plaisir à regarder sur YouTube des vidéos de ses interviews, de ses partages et conseils littéraires. Dans une de ses interventions, elle a affirmé avec beaucoup de sérieux se souvenir de la période où elle était encore dans le ventre de sa mère. Elle semble avoir doté Diane dans son roman de cette faculté. Un roman qui mêle fiction et  autobiographie? Pourquoi pas. Une œuvre cela dit, très intéressante qui met en avant la psychologie des personnages et amène à la réflexion sur une thématique parfois tabou : le lien mère-fille bancal voire destructeur.

Un roman que je recommande !

Extrait :

Diane vit à nouveau que sa mère ne mentait pas. A l’université et à l’hôpital, elle avait déjà pu observer l’effarante capacité d’oubli des gens : ils oubliaient ce qui ne les arrangeait pas, ou plutôt, ils oubliaient quand cela les arrangeait, c’est-à-dire très souvent.

Xx,
Manouchka.