Je ne suis pas une fan de science-fiction. C’est même le genre littéraire qui m’attire le moins. Si dès le départ j’avais su que « La vie et demie » de Sony Labou Tansi s’inscrivait dans ce registre, il est certain que je ne l’aurais pas acheté. Mais pendant la session book-shopping ce jour-là, je m’étais fixé la consigne suivante : choisir des livres en fonction des avis disponibles sur internet. Et il s’avère que celui-ci était bien noté. Un coup d’œil dans le rayon littérature africaine, quelques clics sur mon smartphone et l’affaire était conclue entre Sony Labou Tansi et moi. J’ai pu lire son roman assez rapidement – en moins de deux jours. Je vais essayer de vous dire dans ce billet ce que j’en ai pensé.
Nous sommes dimanche. Je viens de finir de déjeuner d’un bon pinon (plat local à base de farine de manioc) et j’hésite entre faire une sieste et lire. Etant donné que j’ai une pile de livres à lire dont la hauteur largement me dépasse, je décide de me poser sur la terrasse afin de commencer « La vie et demie ». Pour information (plus ou importante selon qui la reçoit) : il a été publié en 1979 aux Editions Du Seuil. Enfin bref, la sieste sera donc pour plus tard vous l’aurez compris.
Au départ, je vous l’avoue, j’ai eu un peu de mal à accrocher au roman. Dès les premières pages, l’auteur nous plonge dans une peinture où se mêlent torture, sang et violence sur fond de cannibalisme. C’est extrêmement bien décrit, très imagé, on a l’impression d’y être. Et cela m’a perturbée. Je n’y étais absolument pas préparée ! Pourquoi tant de haine dès les premiers paragraphes de ce roman ? Est-ce pour ce côté macabre qu’il est donc si bien noté par les internautes ? Dans un moment de doute, je suis tentée d’abandonner la lecture du roman à la 18e page, mais ce serait mal me connaître. Je suis de nature curieuse et tenace. Je veux savoir ce qu’il adviendra de Martial et de sa famille. Alors je tiens bon et je continue ma lecture. Je veux savoir de quelle manière le tyran sanguinaire en finira avec eux ! Je veux savoir de quoi parle clairement ce roman si bien coté !
Pour vous faire un bref résumé, l’histoire se déroule dans un pays imaginaire situé en Afrique : la Katamalanasie. Une dictature absurde y fait rage, la violence et la guerre sont utilisées pour y appliquer un semblant de loi érigée par le Guide Providentiel qui terrorise son peuple avec le soutien de la « puissance étrangère ». C’est dans ce contexte que Martial, l’un des principaux personnages qui vit en étant mort (qui lira le roman comprendra), accompagne sa fille Chaïdana afin qu’elle puisse venger la condition misérable, le triste sort et la mort des siens. Un récit fictif et imaginaire certes, mais qui s’adapte aisément à la réalité.
Honnêtement, j’ai été impressionnée par la parfaite maîtrise de la langue par l’auteur. Il s’agira de l’élaboration presque artistique des phrases, l’inventivité dans la construction du récit (parfois on a l’impression de se perdre dans sa lecture et puis subitement on retrouve son chemin), la complexité de certains personnages qui plus d’une fois a failli m’épuiser en ce qui concerne la compréhension de leurs identités. J’ai été également sensible à au style narratif qui n’est vraiment pas des plus simples. De plus, Sony Labou Tansi dans ce roman n’a aucun tabou : sexe, prostitution, magie, corruption, politique, et autres, y sont abordés sans faux-semblant. Tout y est dit sans langue de bois ; au lecteur revient la tâche d’être prêt à encaisser!
Dans le fond, Sony Labou Tansi a-t-il cherché à « dénoncer » dans l’écriture de son roman ? A mon avis oui. Dénoncer sans aucun doute les maux dont souffrent les sociétés africaines, mais aussi et surtout le comportement machiavélique de politiciens africains en général et congolais en particulier de son époque, avec toutefois un côté visionnaire pour les années à venir.
Petite confession tout de même : les 30 dernières pages ont été pénibles à lire pour moi. Je n’en pouvais plus d’être dans le flou total et absolu par rapport aux personnages qui se mêlaient les uns aux autres. La faute à ma mémoire chancelante! Je ne parvenais plus à visualiser le contexte géographique du récit. J’étais complètement perdue et n’avais qu’une hâte : en finir au plus vite!
Cela dit, je vous recommande ce livre si vous n’avez pas l’âme et le cœur trop sensibles, et si vous n’avez pas peur de vous embarquer dans un univers complexe fait de multiples guides providentiels et de sujets en souffrance sur fond de guerre et de prostitution. Si vous êtes plutôt fleur bleue et amateur de romans plutôt « sympa » et qui détendent, passez votre chemin, ce livre n’est sûrement pas fait pour vous! Ce livre est indéniablement déjanté, je vous aurai prévenus.
Bien entendu, n’hésitez pas à me dire vos impressions si vous l’avez déjà lu !
Extrait page 106 :
Quoi, oui ? Il se posait la question maintenant qu’il était seul. Maintenant qu’il se souvenait de ce corps terrible tendu comme un piège de chair sur le chemin de sa foi. Non. Il n’avait jamais eu peur d’un corps. Il ne pécherait jamais des reins. Sa queue savait se taire selon la volonté du Seigneur. Les réalités de la chair ne venaient qu’après celles de l’esprit. Le bas de son corps avait été réduit en respectable silence. Un silence qui pouvait bouger, mais silence digne de confiance.