J’espère que vous allez bien !
Je suis en retard pour cette revue. Vraiment en retard. Et je m’en excuse. Parfois les jours semblent ne compter que 12 heures et on se retrouve submergé par tout ce qu’on a à faire. Cela dit, je pense que je devrais regarder un petit moins la télévision, et me concentrer sur d’autres choses plus essentielles.
J’espère que le mois de Janvier a été positif pour chacun d’entre vous et que vous avez donné le meilleur de vous-mêmes dans chacune de vos entreprises. Au cours de ce mois, il était prévu de lire Le génocide voilé de Tidiane N’Diaye dans le cadre du challenge lecture 12 livres en 12 mois. A travers ce billet, je vais donc essayer de partager avec vous, en étant le plus fidèle à ma pensée, mes impressions et avis sur cette œuvre que j’ai trouvée vraiment très intéressante, et profondément marquante.
Il y a plusieurs points que je pourrais évoquer. Mais avant d’aller plus loin, je dois faire une confession : avant la lecture de cet ouvrage, j’ignorais totalement que la traite arabo-musulmane avait eu à exister. Je n’imaginais même pas qu’une telle atrocité ait pu se faire – en plus de la traite négrière transatlantique qui, jusqu’alors, était à ma connaissance la seule marque d’esclavage de l’histoire du peuple Noir (sans aller évoquer tous les actes sordides passés sous silence encore de nos jours). Je me suis alors posée et reposée la question suivante : pourquoi ne nous enseigne-t-on pas notre histoire à l’école? Pourquoi ne nous pousse-t-on pas vers la connaissance de notre identité? Pourquoi n’encourage-t-on pas la jeunesse à lire, à s’instruire sur de tels sujets? Au risque de tomber dans un débat beaucoup trop gros pour mon billet de ce jour, revenons à notre ouvrage.
Tout d’abord, j’ai beaucoup apprécié le style simple, fluide et accessible à tous qu’a choisi l’auteur pour l’écriture de son livre. Il est facile à lire, et c’est un grand plus car on peut le prêter à toutes les catégories de personnes de notre entourage : lycéens, étudiants ou professionnels, jeunes, moins jeunes, femmes, hommes, tout le monde peut s’y frotter et choisir je dirais de s’y piquer !
Ensuite, je l’ai trouvé extrêmement fourni en informations historiques quant aux différents peuples et empires de l’Afrique. La Nubie, le Bornou, l’Afrique orientale, l’Afrique de l’Ouest, le royaume du Mali ou du Ghana, etc. Il y a de la connaissance à acquérir à profusion à chaque paragraphe. Et c’est passionnant !! On pourrait passer des heures et des heures sur internet, sur Google, grâce à ce bouquin pour apprendre sur l’Afrique et son histoire, ce que je trouve vraiment très intéressant.
A travers les neuf chapitres, l’auteur présente la conquête de l’Afrique par les arabes, leurs méthodes pour parvenir à acquérir des esclaves, pour ne pas dire à les arracher à leurs terres, les résistances auxquelles ils ont fait face et de quelles manières ils les ont contournées. Tout ceci en faisant à chaque instant référence à une repère chronologique précis, un peuple ou une région spécifique de l’Afrique.
On y parle beaucoup de l’île de Gorée au Sénégal, de Ouidah au Bénin, mais saviez-vous au passage que l’île de Zanzibar, aujourd’hui adulée pour la beauté de ses plages et le bleu de sa mer était « LE » comptoir de vente d’esclaves de l’Afrique orientale? Je l’ignorais. Maintenant je le sais.
Dans cet ouvrage, il est également question de la Femme! Il est rappelé la résistance des femmes au cours de cette traite arabe, notamment en Mauritanie contre les Maures. Un ouvrage spécifique est cité dans ces paragraphes, Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire de Sylvia Serbin qu’il me tarde d’acquérir pour en savoir plus. Et aussi, l’auteur explique l’impact qu’a eu l’islam sur les traditions africaines qui fonctionnaient à l’époque sous un régime matriarcal! Oui, matriarcal! Les femmes avaient leurs places dans la société, elles étaient considérées comme des leaders, contrairement à ce que l’on peut laisser sous-entendre ou observer de nos jours. Elles étaient indépendantes, prenaient des décisions importantes pour la bonne marche de leurs familles, et surprise !!! : Tout se passait très bien !!
En parallèle de tous ces faits, l’auteur évoque la carence en documentation écrite sur le sujet, qui malheureusement prive l’histoire d’éléments supplémentaires fondamentaux. Les archives de tout ce passé ont surtout été transmises par les griots, les historiens oraux, « véritables mémoires vivantes des civilisations négro-africaines ». Sachant qu’aujourd’hui, la traite arabe est encore passée sous silence par les « grands de ce monde », l’auteur s’interroge sur le moyen de ne pas laisser mourir les horreurs de l’histoire indispensables à notre construction personnelle mais aussi collective. Comment réussir à immortaliser tous ces récits, tous ces témoignages, afin que l’histoire ne tombe pas dans l’oubli ?
En résumé, l’Afrique a souffert de ces traites, et c’est peu de le dire. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il y ait de mots suffisamment forts pour décrire cette souffrance, cette injustice, ce drame sans nom. L’Afrique de cette époque avait tout pour elle. Elle était organisée à sa manière, différente de celles des Occidentaux certes, mais qui lui était propre et qui faisait son identité. Les peuples, les civilisations et les royaumes qui y étaient édifiés avaient leurs codes et leurs fonctionnements. Ils étaient florissants et riches. Ces longues périodes d’esclavage ont pillé et dévasté le continent, tant sur le plan humain que sur le plan des ressources de la terre. Et rien ne dit que cela ne continue pas encore aujourd’hui (!!).
Au cours de cette lecture, j’ai eu le net sentiment que c’était animé d’une certaine passion que Tidiane N’Diaye a eu à rédiger son livre, car on peut aisément sentir à certains paragraphes sa colère et son mépris pour les arabes. Je dois avouer que ce ressenti m’a par moment dérangée, surtout en début du récit, lors des deux voire trois premiers chapitres. J’avais besoin de lire un texte neutre, de me faire mon propre jugement, de ressentir par moi-même cette colère ou cette indignation, et non de vivre les sentiments de l’auteur. C’est certainement le seul bémol que j’apporterai à ma lecture. Je pense que pour transmettre au mieux ce genre d’héritage, et le transmettre à tous, il faut savoir faire preuve d’impartialité. Toutefois, je reconnais que ce n’est pas chose facile pour un sujet aussi sensible que celui-ci.
Je suis très contente d’avoir eu l’occasion de décortiquer cet ouvrage car j’ai appris de nouvelles choses. Beaucoup de nouvelles choses ! Je regrette profondément que ce type d’informations relatives à l’histoire de nos ancêtres ne soit pas transmis dans nos écoles car quoi qu’on dise, connaître l’histoire, même si elle est douloureuse – surtout si elle est douloureuse – nous aide à nous construire (ou pas, tout dépend du bord sur lequel nous nous trouvons). Je me souviens encore lorsqu’on nous apprenait en classe – et on l’enseigne toujours aujourd’hui – à cartographier la France, ou encore les Etats-Unis ! Ce n’est pas mauvais en soi. Il est bon d’avoir une culture large et diversifiée sur le monde. Mais il ne faut pas oublier l’essentiel, le cœur, la base.
Alors oui, je relirai ce bouquin, et je ferai ce qu’il faut pour que mes amis, mes proches, et surtout mes jeunes sœurs, le lisent et en apprennent sur le contenu. C’est important je pense, tout simplement.
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont fait parvenir leur ressenti au cours de cette lecture. Nombreux ont été touchés voire choqués par le contenu de l’ouvrage ; il est bien vrai qu’il est difficile à lire, encore plus à s’approprier quand on sait que c’est une question d’histoire.
N’hésitez pas à partager vos avis sur cet ouvrage si vous avez eu l’occasion de le lire, ou simplement votre opinion sur l’importance (ou pas) de lire ce genre d’ouvrages en tant qu’afrodescendants.
Pour Février, nous lisons 1984 de George Orwell.
#12booksin2019 #heymanouchka
Portez-vous bien, et à très vite !
Bisous,
Manouchka.